La photo de rue : Le droit à l’image


Je ne vais pas, dans ce nouvel article, me lancer dans une longue analyse philosophique sur le droit ou non de photographier une personne dans la rue, sans avoir préalablement recueilli son consentement.

En l’absence de textes de loi spécifiques, il convient de s’appuyer sur les différentes décisions de justice en la matière : ce que l’on a coutume d’appeler « La jurisprudence ».

La personne présente sur votre photo est-elle reconnaissable ?

C’est la première question que vous devez vous poser. Si la personne est représentée de dos, si elle est suffisamment éloignée de l’objectif, si l’on ne distingue que ses mains ou ses pieds sur la photo, le droit à l’image ne s’applique pas, car la personne photographiée ne peut être identifiée.

Par contre, si votre sujet est reconnaissable, son droit à l’image sera différent selon l’utilisation que vous allez faire de la photo. Il existe trois cas distincts d’utilisation : l’expression artistique, l’utilisation commerciale ou l’activité de photo-journaliste.

L’utilisation artistique

L’artiste peut être un photographe amateur ou professionnel. La personne photographiée ne pourra obtenir gain de cause que si la diffusion de son image lui a porté un préjudice moral ou financier. La juriste Joëlle Verbrugge, spécialiste du droit à l’image, précise que l’image réalisée doit être contraire à la dignité de la personne photographiée ou lui cause des conséquences d’une particulière gravité. Elle donne l’exemple d’un couple illégitime qui s’embrasse. La femme tombe sur le cliché et demande le divorce. Son mari peut déposer plainte pour préjudice moral et éventuellement financier. Cas très rare où le photographe n’a vraiment pas de chance…

Sachez toutefois que la liberté d’expression artistique est maintenant reconnue par les tribunaux et qu’elle prime sur le désir d’une personne de ne pas voir son image diffusée. Ce droit d’expression artistique autorise également la vente des tirages ou leur exposition en galerie.

L’utilisation commerciale

La loi est claire. Il est strictement interdit de photographier une personne dans le but d’utiliser son image commercialement. Une autorisation de la personne photographiée est obligatoire et doit normalement être associée à un contrat de rémunération.

Dans le paragraphe précédent je vous ai dit que l’utilisation artistique d’une image pouvait aller jusqu’à sa vente. Si vous exposez plusieurs images sur différents sujets ou si l’image d’une personne figure dans un livre proposant de nombreuses photos d’autres sujets, vous faites une utilisation artistique des images. Si, au contraire, vous photographiez une personne sans son consentement, dans le but de mettre son portrait sur des affiches publicitaires ou sur des vêtements destinés à être vendus, vous faites une utilisation commerciale de l’image de la personne. Vous saisissez la nuance ?

Le cas particulier du photo-journalisme

Le photographe amateur ou professionnel est généralement guidé par un but artistique. C’est pourquoi il lui est interdit de diffuser des photos qui dégradent l’image de la personne photographiée. Le photo-journaliste dispose de la possibilité de diffuser des images dégradantes à la condition que son ou ses images aient vocation à informer sur un sujet d’actualité. C’est ce que l’on appelle le droit d’informer. Cela concerne, par exemple, les photographes de guerre dont les images, souvent horribles, ont pour but  d’informer tout en servant de témoignages historiques.

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Copyright Robert Capa

Cas particulier : la photo d’architecture

La juriste Joëlle Verbrugge explique qu’il s’agit d’un conflit entre le droit d’expression artistique du photographe et le droit d’auteur de l’architecte qui a créé le bâtiment photographié.

La théorie voudrait que le photographe recueille l’autorisation de l’architecte avant de pouvoir diffuser une image de son oeuvre. Mais encore faut-il que l’oeuvre soit suffisamment originale pour bénéficier du droit d’auteur. Personnellement, je pense que pour nuire aux droits de l’architecte il faut qu’au moins une des conditions suivantes soit retenue :

  • La photo montre le bâtiment dans son entier et lui seul : le bâtiment est donc le sujet principal de la photo.
  • La photo fait partie d’une série montrant le bâtiment dans son ensemble qui montre ses détails caractéristiques. Mais là, nous ne sommes plus dans la photo de rue mais dans la photo d’architecture.
  • Le bâtiment photographié doit être très original dans sa forme ou sa conception.

Si votre photo montre clairement que le sujet principal est la personne photographiée et non le morceau de bâtiment qui sert de décor, vous ne devriez pas vous attirez les foudres de guerre de l’architecte concepteur.

A très bientôt

Jean-Michel

Une réflexion sur “La photo de rue : Le droit à l’image

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