Photographier les oiseaux dans une zone humide


J’ai la chance de résider près de Narbonne, commune proche de la partie du littoral méditerranéen qui abrite l’une des plus grande zone humide de France. C’est une mosaïque de marais et d’étangs bordée d’une végétation méditerranéenne. Cette zone humide, rythmée par le phénomène migratoire, permet l’observation de nombreux oiseaux.

Lorsque mon emploi du temps me laisse un peu tranquille, je me rends auprès de cette zone afin de tirer quelques portraits de la gente ailée. En fonction des conditions météo, notamment lorsqu’il y a du vent, je sais exactement où me rendre. Connaître les habitudes des oiseaux, leurs abris, constitue l’un des meilleurs outils que le photographe animalier peut avoir à sa disposition. Mais il y a plus que cela.

Photographier les oiseaux et la faune

La photographie d’oiseaux est devenue très populaire ces dernières années. Une raison à cet engouement, le prix des gros téléobjectifs est devenu plus abordable (Tamron ou Sigma 150-600 – Nikon, 200-500, Sony RX 10 IV, etc.). Photographier la faune est devenu accessible à un grand nombre de photographes. Cette activité n’est plus réservée aux pros ou aux amateurs fortunés.

sigma-150-600mm.jpg

Que vous vous tourniez vers un monstre ouvrant à f/4, ou un téléobjectif compact, plus maniable, la technique de terrain et la composition joueront le rôle le plus important dans votre succès. Voici quelques conseils pour votre prochaine visite en zone humide pour photographier les oiseaux.

Éthique : le respect avant tout !

image-1.jpg

La règle la plus importante en photographie ornithologique est de ne jamais nuire à votre sujet ! Si vous approchez un canard sur un étang et que le canard s’éloigne de vous, c’est que vous êtes trop près, ou que votre approche a été trop rapide. L’approche précipitée constitue le principal défaut du débutant. Ce dernier a toujours peur de voir s’envoler le bel oiseau qu’ils s’apprête à photographier. Cette précipitation entraîne l’envol du sujet qui se posera beaucoup plus loin tout en gardant un oeil sur le malheureux photographe… Notre apprenti photographe animalier vient de détruire toutes ses chances, en faisant d’un oiseau paisible un animal craintif qui prendra son envol à la prochaine approche.

IMPORTANT : N’approchez pas les oiseaux dans les nids, ils sont particulièrement vulnérables.

En bref, soyez conscient de l’impact de vos actions, et rappelez-vous que le bien-être des animaux que vous photographiez est plus important que vos images.

L’équipement

Les objectifs :

Un monstre de 500mm ou 600mm ouvrant à f/4 ne constitue pas un équipement nécessaire pour la photographie d’oiseaux, un téléobjectif moins lourd et moins lumineux sera très suffisant et permettra de réaliser de magnifiques photos d’oiseaux.

Les téléobjectifs pros comme les 500 ou 600 mm f/4 autorisent des vitesses d’obturation plus rapides et des valeurs ISO plus faibles, lorsque la lumière vient à manquer. Ils permettent également d’obtenir une grande netteté et une profondeur de champ magnifique pour isoler le sujet. Mais ils sont grands, encombrants, lourds, difficiles à utiliser à la main, et coûtent souvent plus de 12 000 euros. Ils demandent également une grande expérience. Bref, il ne sont pas fait pour tout le monde.

Les objectifs plus petits, comme les zooms téléobjectifs sont devenus très populaires. Plus compacts, ils sont plus faciles à transporter. Leur qualité optique s’améliore à chaque nouvelle génération. Canon 100-400mm, Nikon 80-400mm et 200-500mm sont de très bonnes options. Les fabricants tiers que sont Tamron et Sigma ont également participé à cette course en proposant les fameux 150-600mm de haute qualité. Ces lentilles ne sont toujours pas bon marché, mais vous n’aurez probablement pas à contracter une deuxième hypothèque pour vous en procurer une.

Mon choix:

Sony100-400GM.jpg

Pendant des années, j’ai utilisé un imposant et lourd Sigma 500mm f/4.5 puis, un peu plus tard, le Nikon 100-400mm f/4. Deux merveilles offrant une netteté parfaite et un bokeh de rêve. Le problème, c’est que j’aime les voyages et passer 15 jours en safari au Bénin avec un 100-400mm f/4 ça devient vite éprouvant, la taille et le poids deviennent de sérieux obstacles, auxquels il faut ajouter des conditions locales parfois difficiles (brume de chaleur, vent de sable, etc.) . Alors, j’ai commencé, et pour mon plus grand bien, à utiliser le 100-400mm f/5.6. Un choix de raison qui me faisait perdre un IL mais gagner beaucoup d’argent, de la maniabilité, du poids, tout en réduisant les contractures… La raison l’emporte parfois sur le plaisir de posséder une très belle lentille !

sony-rx10-iv.jpg

Comme vous avez pu le découvrir dans un article récent, aujourd’hui j’ai porté mon dévolu sur le Bridge Sony RX 10 IV, doté d’un magnifique zoom 24-600mm f/4. Ce choix a été dicté par plusieurs raisons : mon âge, la qualité du zoom, le côté « tout en un » de l’appareil, permettant de partir en voyage sans transporter 20 kg de matos. Le zoom étendu (attention je n’ai pas parlé de zoom numérique) qui permet d’atteindre la focale de 1200mm tout en conservant une excellente qualité d’image. Un rêve. Mon 500mm f/4.5 ne me manque plus !

Réglages de l’appareil pour la faune des zones humides

image-2.jpg

Les vitesses d’obturation rapides sont très importantes pour créer des images nettes avec de longs téléobjectifs. Dans la photo d’oiseaux en milieu humide, les sujets sont en mouvement constant. Il faut donc en tenir compte. J’utilise presque toujours des vitesses supérieures au 1/1000ème de seconde et souvent beaucoup plus rapides.

Le choix de l’ouverture répond à deux besoins, faire entrer plus de lumière dans l’objectif (et donc obtenir des vitesses d’obturation plus rapides), et contrôler la profondeur de champ. En photographie ornithologique, on cherche le plus souvent à isoler son sujet. Il est donc important d’ouvrir le diaphragme au maximum.

Si votre objectif ne vous donne pas une excellente netteté à pleine ouverture, fermez d’un ou deux diaphragmes devrait bien améliorer les choses. Ce faisant, vous perdrez de la vitesse, mais les appareils photo d’aujourd’hui supportent des valeurs 800 voire 1600 ISO et plus. N’hésitez pas à monter jusqu’à 1600 ISO afin d’obtenir une vitesse qui vous permette de photographier les oiseaux en vol ou en mouvement.

image-3.jpg

Les paramètres de mise au point sont également importants. Lorsque je photographie des animaux sauvages, j’utilise presque toujours la mise au point sur un seul collimateur  (pour que je puisse attraper l’œil du sujet) et le mode AI Servo (Canon) ou AF-Continu. Ainsi, si l’oiseau se déplace où s’envole je n’ai pas à changer de réglage.

Je règle également mon appareil photo sur « rafale rapide » soit 24 images par seconde avec le Sony RX 10 IV.  J’obtiens de 2 à 10 photos à chaque déclenchement, ce qui donne pas mal de travail lors du tri des images, mais me permet de choisir la plus belle photo de la série. Sachez toutefois qu’une fréquence d’images comprise entre 5 et 12 images par seconde est bien suffisante.

Techniques de terrain

Se rapprocher

image-6.jpg

image-5.jpg

La première et la plus importante compétence à acquérir pour se rapprocher des oiseaux sauvages se nomme « la patience ». Lorsque j’ai le temps (rare actuellement) j’utilise un affut flottant de ma fabrication. Je peux ainsi rester plusieurs heures au milieu d’un étang, mon objectif posé au ras de l’eau.

Mis à l’eau alors qu’il fait encore nuit, j’attends le lever du jour pour scruter l’étang à la jumelle. L’étang fréquenté n’a une profondeur d’eau que de 20 à 30 cm. Mes déplacements se font donc sur les genoux (très physique). Un déplacement très très lent permet de s’approcher très près des oiseaux, sans dérangement, l’affut n’étant pas perçu comme un danger.

image-8.jpg

L’autre technique, encore plus simple pour se rapprocher, est de photographier les oiseaux dans des lieux ou ils sont habitués à la présence humaine ; parcs nationaux, parcs ornithologiques privés, etc.  Les animaux y sont beaucoup plus dociles ce qui permet une approche simplifiée.

Peu importe où vous vous trouvez, avancez lentement, quelques pas à la fois, faites une pause d’une minute, puis avancez encore. Quand vous voyez l’animal montrer des signes de stress, arrêtez-vous et attendez qu’il se détende avant d’approcher à nouveau.

Votre objectif en tant que photographe « ornitho » devrait toujours être de photographier les animaux présentant un comportement naturel. Un oiseau stressé ou nageant, sera par nature moins intéressant qu’un oiseau détendu ou en interaction avec d’autres animaux.

Baissez-vous le plus possible

image-11.jpg

Voici une deuxième erreur commise par les débutants : utiliser un point de vue trop élevé. L’appareil photo doit toujours se trouver à la même hauteur que l’oiseau afin d’offrir une « ligne de visée » presque horizontale. Le fait de se trouver debout va écraser le sujet et vous évitera d’obtenir un beau flou d’arrière plan (bokeh).

S’agenouiller, s’accroupir, s’asseoir ou même s’allonger sur le sol, constitue la meilleure chose à faire pour obtenir une photographie exceptionnelle. Pensez toujours au flou d’arrière plan.

Soyez attentif à la mise au point

image-12.jpg

La mise au point doit toujours être effectuée sur l’œil de l’oiseau. Bien que ce soit une règle générale, avec de nombreuses exceptions, lorsque l’œil de votre sujet n’est pas net, vous pouvez considérer que la photo est ratée. En utilisant un seul point AF, sélectionnez l’œil de l’animal, faites la mise au point, puis activez le déclencheur.

Trouver un bel arrière plan

image-4.jpg

Dans l’habitat encombré d’une zone humide, il peut être difficile de trouver un endroit où vous pouvez isoler le sujet de l’arrière-plan. La distance demeure votre principale alliée. Lorsque l’oiseau est loin de l’arrière-plan vous obtiendrez plus facilement le joli bokeh que vous recherchez.

Lorsque l’oiseau se trouve dans un petit arbuste, il est impossible de l’isoler. Dans ce cas, sélectionnez la plus grande ouverture afin d’isoler au maximum les branches les plus lointaines et veillez à ne pas centrer votre sujet dans l’image (pensez à la fameuse règle des tiers).

Replacez l’animal dans son environnement

image-7.jpg

Les débutants cherchent toujours à s’approcher au maximum des oiseaux qu’ils souhaitent photographier. C’est une erreur. S’il est bon de posséder quelques vues rapprochées de votre sujet, il est aussi très important de le photographier dans son environnement de prédilection.

Lorsque votre sujet est trop éloigné pour un portrait, réfléchissez à la façon dont il interagit avec son environnement et trouvez un moyen de le placer dans une scène plus large. Pensez votre photo comme si vous preniez un paysage dans lequel se trouve un oiseau.

image-9.jpg

Conclusion

La photographie de la faune permet de tester sa patience… J’ai passé des heures entières à l’affut, offrant ma carcasse aux moustiques, à regarder, à attendre et parfois à prendre des photos… Certains jours je rentrais découragé et frustré. Mais d’autres jours, cette patience était récompensée. C’est ce qui fait la beauté de la photographie animalière ; on ne sait jamais ce qui va se passer !

Je me rappelle ce dimanche matin, au lever du jour, où, seul au milieu d’un étang, dissimulé dans mon affut flottant, je me trouvais à moins de 5 mètres d’un  héron cendré. Un moment de bonheur absolu. J’ai alors pensé à tous ces gens, encore endormis, qui n’auraient jamais le plaisir de vivre un moment aussi intense et fabuleux. Mais pour vivre ces moments, il faut être photographe, être patient, aimer la nature, les oiseaux, et se lever tôt…

Alors, si vous aussi vous souhaitez vivre de tels instants, n’oubliez pas que la précipitation est votre ennemi, que seule la patiente offre la récompense. N’oubliez pas de bien régler votre appareil, de photographier au ras du sol et d’isoler, tant que faire se peut, votre sujet.

Peut-être à très bientôt, au bord d’un étang !

Jean-Michel

10 réflexions sur “Photographier les oiseaux dans une zone humide

  1. BURGAIN

    Très bel article qui me conforte dans mon approche et pratique de la photo animalière. Pour ma part, je m’amuse avec un 300 f4 et un convertisseur 1.4 qui monté sur apsc me donne entière satisfaction en matière de poids et de qualité photo. J’habite dans le parc régionale de Camargue et j’ajouterai qu’une bonne connaissance des oiseaux que tu veux photographier finit par déterminer ton comportement ,ton approche envers ceux ci. Encore bravo!

    Aimé par 1 personne

  2. hermand christophe

    Une discipline qui demande en effet beaucoup de patience, de persévérance et de dextérité. Après avoir pratiqué la photographie animalière (avec plus ou moins de réussite), j’ai basculé du côté des paysagistes. Mais je remarque souvent que mon « apprentissage » initial, m’apporte énormément dans ce domaine, surtout cette quête permanente de LA lumière. Ton article me rappelle ce sentiment de
    jubilation, lorsque l’espoir fait place à l’apparition tant espérée … @ bientôt.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire