Photographier la Nature 2 – La photo animalière


Voici la deuxième partie de cet article consacré à la Photographie Naturaliste : Pratiquer la photo animalière.

Cet opus est une suite de conseils qui devraient vous aider à réaliser de belles photos et vous apprendre à évoluer au sein de la Nature tout en dérangeant le moins possible les   espèces sauvages

Pour le matériel, je vous invite à lire le post précédent.

La documentation :

Outre les nombreux livres sur des sujets plus ou moins pointus, Internet permet d’augmenter sensiblement la vitesse d’apprentissage de la Nature et de la technique photographique proprement dite, même si rien ne peux remplacer l’expérience du terrain !

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Un très petit échantillon de ma bibliothèque réservée à la Nature

– Les connaissances naturalistes : suite logique du point précédent : Cet aspect est indispensable dans cette discipline.

La photographie animalière implique de s’approprier un certain nombre d’informations sur les sujets que l’on désire traiter :

Les mœurs de l’animal : Ses heures de sorties, ses habitudes, la régularité de passage, son alimentation, sa territorialité …

Les facteurs de dérangement que nous devons prendre en compte : Assurer sa sécurité (connaître les dangers inhérents à l’espèce à photographier et comment s’en protéger, notamment en période de chasse), connaitre la  distance de fuite de l’animal, l’acuité de ses sens, les conséquences du dérangement que nous pourrions occasionner pour les individus ou leur progéniture…sont autant de points importants à ne pas négliger.

– Les CRITÈRES D IDENTIFICATION.

Connaître les sons produits par les animaux du secteur où l’on va évoluer (cris et  chants d’oiseaux …)

Tout ceci est indispensable pour maîtriser et limiter les conséquences de ses propres actes sur les sujets étudiés. Il est en effet impensable de mettre en danger un animal (ou ses petits) pour la réalisation d’une photo !

Il faut savoir  que :

Certaines espèces d’oiseaux, en cas de dérangement lors de la couvée ou de l’alimentation des poussins au nid, abandonnent purement et simplement leur progéniture la condamnant de ce fait à une mort certaine.

Un jeune animal (chez les Chevreuils par exemple) touché par un humain est irrémédiablement condamné: il sera aussitôt abandonné par sa mère qui, flairant une odeur inconnue ne reconnaîtra pas son petit.

Il ne faut pas manipuler un batracien sans s’être préalablement mouillé les mains, car on lui prélève involontairement le mucus protecteur recouvrant  son épiderme.

Etc…

La connaissance de ses sujets photographiques passe aussi par:

— le repérage (à la jumelle généralement),

— l’étude du terrain pour favoriser l’approche,

–la connaissance du sens du vent, et, de

–l ’orientation de la lumière aux heures potentiellement intéressantes,

–le suivi de la météo, voire même le chronométrage des allées-venues lors des séances de chasse de certains rapaces par exemple.

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Le Busard Saint-Martin (ici un mâle) a une technique de chasse permettant de chronométrer ses allées et venues.

Se rappeler que le bruit, les mouvements et les différences de couleur sont les ennemis jurés du photographe animalier.

Pour éviter ces déboires je vous suggère de retenir un mot :

O M B R E

Cet acronyme, épelé, va vous permettre de vous rappeler des règles essentielles valables tant en photo animalière , qu’en macrophotographie :

  • O comme Ombre portée :

Veillez à vous déplacer en faisant en sorte que votre ombre ne passe pas sur l’animal ou l’insecte (notamment insecte volant, papillons, libellules…) dans le cas contraire, l’envol est immédiat ! De même que l’ombre portée d’une branche ou d’une herbe sur le sujet photographié peut ruiner la composition de votre photo.

  • M comme Mouvement :

Pour une grande majorité des animaux, la vision est basée sur le mouvement. De ce fait, en restant statique, on peut passer inaperçu, tel un élément du paysage.

J’en ai fait l’expérience avec des biches en train de brouter. J’étais agenouillé, parfaitement immobile, en tenue de camouflage et le visage caché derrière mon boitier. Pour elles je faisais parties du paysage. Chaque fois qu’elles broutaient l’herbe, j’avançais lentement, toujours accroupi et, dès qu’elles relevaient la tête pour regarder dans ma direction, je m’arrêtais net. au bout de quelques secondes, elles se remettaient à manger. J’ai ainsi recommencé l’opération jusqu’à ce que je sois à moins une vingtaine de mètres d’elles pour effectuer des plans rapprochés.

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Je me suis avancé à moins de 20 m de ces 2 biches qui ne m’avaient pas remarqué
  • B comme Bruit :

L’acuité auditive des oiseaux est exceptionnelle, mais c’est aussi vrai pour les grands mammifères. Ces animaux captent des sons que nous ne pouvons entendre, compensant ainsi une vision déficiente.

Un bruit et c’est la fuite ! Les sangliers par exemple ont une mauvaise vue, mais cela est contrebalancé par un excellent odorat et une bonne ouïe.

De ce fait, je vous conseille d’être absolument silencieux et de couper le son et le vibreur de votre mobile , car même le simple  bruit du vibreur s’avère suffisant pour être détecté ! Dans l’article précédent, je vous conseillais de porter des vêtements silencieux au déplacement …

  • R comme Relent :

L’odorat est, lui aussi, extrêmement développé chez les mammifères. Il est donc déconseillé de se parfumer, ou de se badigeonner d’après rasage avant toute sortie photo animalière. De même que vous devez vous déplacer face au vent afin que votre odeur n’aille pas vers l’animal.

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Ce sanglier hume l’air afin de sentir un éventuel prédateur
  • E comme Éclat(s) :

Un seul éclair de flash et ce sera la dernière photo que vous prendrez sur un site. De même, évitez les vêtements de couleurs éclatantes ; Car vous serez alors repérés avant même de voir la bête. Prenez aussi garde aux reflets du soleil sur les verres de l’optique ou des lunettes (on n’y pense pas assez …)

  Autres règles d’or à respecter scrupuleusement

Dans la Nature il faut agir avec un extrême discernement :

Ne pas oublier la devise du naturaliste: OBSERVER SANS JAMAIS DÉRANGER ; faites attention ou vous posez les  pieds (flore et insectes peuvent se trouver  dessous) !

Il faut savoir s’abstenir de faire une photo coûte que coûte :

Si celle-ci doit déranger le milieu dans lequel vous évoluez, ou si elle peut vous mettre en danger.

Ne divulguez pas les endroits où vous avez trouvé des espèces « sensibles » :

Animaux en gestations, oiseaux en cours de nidification, espèces en voie de disparition ou pouvant faire l’objet de trafic tels que les NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie incluant serpents, grands lézards, grandes araignées …)

Ne photographiez pas des oiseaux au nid :

Des colonies d’oiseaux nicheurs changent d’endroits au fil des ans suite aux dérangements occasionnés par l’homme. De ce fait, les plus beaux spots sont maintenant déserts ! Que ce soit les Martins pêcheurs, Guêpiers, Pies grièches ou autres Lézards ocellés … beaucoup de places se sont vidées à cause du  « harcèlement » continu occasionné par de pseudo-naturalistes et des photographes avides  de clichés à sensations.

Comme dit plus haut, les animaux partent souvent en abandonnant leur progéniture, les condamnant ainsi à une mort certaine et entraînant parfois la perte d’une génération entière de l’espèce.

Ces dernières années, face à ces exactions, les gardes du littoral et de l’ONF ont intensifié leurs patrouilles et ont sanctionné lourdement les contrevenants. Pour mémoire 2 photographes ont écopé de très lourdes amendes suite au dérangement d’un couple de Gypaètes barbus ayant entraîné l’abandon du nid …

Ne changez pas la physionomie des lieux:

S’il vous arrive de retourner une pierre pour prendre la photo d’un insecte qui se serait caché dessous, remettez-la scrupuleusement en place après. Des micros organismes vivent souvent sous les pierres ou le substrat, formant un véritable biotope quasiment invisible pour nous. Ne rajoutez pas de « perchoir ». Pour la petite histoire, un photographe s’est acharné à prendre des Martins pêcheurs. Afin de faire des plans rapprochés, il a planté des bâtons dans la vase. Il en a tellement rajouté que l’oiseau n’a plus reconnu son territoire et a déserté les lieux; je l’avais pourtant prévenu du risque qu’il faisait courir aux oiseaux !

Quelques exemples de réglages :

  • Ouverture : La plus grande possible pour avoir le maximum de vitesse
  • Qualité d’image : RAW
  • Mode de prise de vue : Priorité à l’ouverture (A ou Av)
  • Balance des blancs : Auto
  • Mode de mesure : Matricielle. Spot ou pondérée centrale sur un oiseau blanc en plein soleil ou dans les cas de forts contrastes. Pour photographier un sujet sur la neige : Mesure pondérée centrale et + 1 IL de correction d’exposition donnent  d’excellents résultats.
  • Vitesse : au moins égale à une fois la longueur focale utilisée, sauf dans le cas de prises de vues d’oiseaux en vol ou il faudra privilégier 3 fois la focale choisie (penser à rajouter le coefficient du capteur pour les appareils DX)
  • Sensibilité : suffisante pour avoir la vitesse nécessaire.
  • Flash : à proscrire !
  • Privilégiez la Mise au point sur l’œil de l’animal.

Les méthodes :

La billebaude :

Technique consistant au cours d’une randonnée ou d’une promenade en milieu naturel, à réaliser des approches et/ou de courts affûts au gré des rencontres.

Cette technique offre souvent de belles sensations et a l’avantage de pouvoir se pratiquer sur des laps de temps parfois courts.

Il faut néanmoins bien intégrer le fait que plus on avance vite et moins on a de chance de voir des choses. Pour réussir une billebaude, il faut

— avancer lentement et en silence. Ne pas hésiter à

— Faire des arrêts fréquents pour scruter attentivement le milieu dans lequel on évolue : Les sous-bois, les branches, les recoins donnant lieu à cachettes éventuelles.

Écouter : Être attentif au moindre bruit au moindre cri ou chant.

— Regarder : Tâcher de détecter d’éventuels mouvements. Le matériel embarqué doit être léger et maniable. A défaut d’une optique stabilisée, un monopode fait très bien l’affaire.

L’affût :

Cette technique nécessite une connaissance du milieu et des habitudes des animaux, donc des repérages préalables fait au fil du temps. Il y a lieu de se mettre en affût avant l’arrivée des animaux donc avant le lever du jour, ou alors dans des conditions qui ne risquent pas de les effaroucher (affût voiture par exemple). Cette technique est très chronophage ; mais, si les repérages préalables ont été bien menés, si on a bien respecté les règles énumérées précédemment et que personne d’autre n’est venu déranger le milieu, on est alors sur de revenir avec de beaux clichés et des plans rapprochés parfois époustouflantes. Et le tout, sans déranger les animaux.

L’affût flottant :

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Utile dans les zones humides, l’affût flottant permet de se « plonger »  dans l’intimité de l’étang parfois de la rivière (quand il y a peu d’eau) sans déranger les oiseaux, et qui donne de belles opportunité d’images.

Rendez-vous demain pour le dernier article de ce petit guide : La macrophotographie

Michel FERNANDEZ

D’autres photos sur mon site : Mes photos Nature

5 réflexions sur “Photographier la Nature 2 – La photo animalière

  1. Jean-Claude Morin

    Nous ne répéterons jamais assez qu’il ne faut ABSOLUMENT PAS DERANGER les animaux pour pouvoir faire une photo. De trop nombreux exemples d’animaux ayant délaissé leur territoire parce que dérangés par des photographes, et même ayant abandonné leurs petits.

    Merci à toi d’avoir encore une fois rappelé cet IMPERATIF: NE PAS DERANGER.

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  2. La photo à tout prix, NON !!!
    Si vous deviez ne retenir qu’une seule chose de cet article, c’est bien celle là : observez mais ne dérangez pas ! Michel l’a fort justement rappelé. Trop d’oisillons ont perdu la vie à cause de photographes souvent imprudents, mais toujours imbéciles… Aucune photo ne mérite de tuer toute une couvée. C’est d’autant plus vrai que les irresponsables se croient de bons photographes alors qu’ils n’en sont pas…
    Le photographe naturaliste est avant tout un amoureux de la nature. Ses photos montrent sa beauté et attirent l’attention sur sa fragilité et la nécessité de la préserver. Lorsque le but poursuivi n’est que de satisfaire son égo en comptabilisant journalièrement les « j’aime » et autres commentaires sur Facebook, il est temps de se poser les bonnes questions… car ce sont généralement ces mêmes photographes qui ne respectent rien et donnent des leçons aux autres !

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  3. Hervé

    Quel non sens que celle de se sentir au dessus des lois de la nature. Dans ma région j observe de plus en plus de Safari photo en 4*4 avec des comportements en dessous de toute logique d’observation. Raccord avec l’Office de tourisme… Cela devient affligeant ! Merci pour ces rappels.

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