Pour pratiquer la photo de voyage, il n’est pas nécessaire de partir à l’autre bout du monde. Un séjour limité dans le temps, dans un endroit inconnu, fera parfaitement l’affaire. Ceci dit, la photographie de voyage sera abordée différemment selon que vous partez quelques jours au Mont Saint Michel ou trois semaines dans un pays d’Afrique ou d’Asie.
Le plus compliqué dans la photographie de voyage est d’éviter de céder aux sirènes de la photo touristique. Pour cela, il conviendra de planifier votre voyage et vos sorties photo, de vous renseigner sur les principaux sujets, de les photographier aux heures les plus propices, d’appliquer quelques règles techniques simples et de bien sélectionner le matériel que vous emporterez avec vous.
Bien choisir le matériel à emporter
Il n’y a rien de pire que de partir avec trop de matériel. Comme vous n’oserez pas le laisser dans votre chambre d’hôtel ou votre location, il faudra vous le coltiner pendant tout le voyage. Vos cervicales, votre colonne vertébrale et vos reins ne tarderont pas à s’associer pour vous rappeler que ce n’est pas le matériel qui fait la photo, mais le photographe. Attention toutefois, partir avec trop peu de matériel n’est pas une bonne chose non plus car des opportunités seront manquées.
Vous fournir une liste précise du matériel à emporter serait une hérésie. Le matériel photo qui vous suivra sera fonction de votre destination et de la nature de votre voyage. Il n’y a donc pas de liste type, mais voici quelques pistes.
Pour un safari en Afrique il conviendra d’atteindre les focales de 400 à 500mm. Je vous recommande les 100-400mm de Canon et Fujifilm, le 70-400mm de Sony ou encore le tout nouveau 200-500mm de Nikon. Ces optiques offrent un bon rapport poids / performance. Un boîtier, disposant d’un autofocus performant et permettant des rafales rapides sera un choix avisé. Un petit zoom standard complétera vos possibilités photographiques pour les paysages et les portraits. Pour la photo animalière une rotule pendulaire et un bean bag se montreront des accessoires forts utiles.
Pour un voyage lointain, dans un pays aux coutumes éloignées des nôtres, vos photos pourront cibler le mode de vie des autochtones et sans doute de magnifiques paysages. Pour couvrir ces sujets les focales de 24 à 300mm seront suffisantes (un grand angle et un 70-300mm). Un boîtier hybride se montrera très efficace. Sa petite taille évitera de vous faire passer pour un pro. Les gens seront moins réticents à poser pour vous. Un petit flash vous permettra souvent d’équilibrer la lumière et de déboucher les ombres. Un bridge haut de gamme, tel le Panasonic FZ1000, sera un choix parfait (très bonne qualité d’image, faible poids, optique de qualité couvrant les focales de 24 à 400mm).
Pour un voyage de quelques jours en France ou dans une capitale européenne si vos sujets sont l’architecture, les monuments ou encore la photo de rue, l’équipement sera sensiblement le même que pour un voyage lointain. Ajoutez dans votre sac un 35 ou un 50mm fixe vous permettra d’être très efficace en street photography.
Complétez votre matériel avec un trépied, de nombreuses batteries, des cartes mémoires et, éventuellement, un adaptateur pour prises de courant.
Planification du voyage et de vos sorties photo
A partir du moment où il est descendu de l’avion, le touriste se met à mitrailler tout azimut. Son but ? Ramener chez lui un maximum de photos, qui, plus tard, nourriront ses souvenirs de vacances. Ce comportement est tout à fait respectable, mais aujourd’hui il est question de la photo de voyage non ?
La photographie de voyage est beaucoup moins instinctive, plus réfléchie, maîtrisée. Alors que le touriste sortira entre 08h00 et 09h00, après une douche et un bon petit déjeuner, le photographe tombera du lit dès potron-minet. Alors, il pourra déambuler dans des artères presque désertes, profiter égoïstement du réveil de la rue, encore vierge de présence humaine. Il aura tout son temps pour soigner ses cadrages et profitera de la meilleure lumière qui soit. Ses photos faites, il abandonnera la rue aux fous du déclencheur pour prendre un peu de repos. Le photographe de voyage est un artiste, un collecteur d’émotions alors que le touriste est un instinctif, un collectionneur de souvenirs. Tous deux sont des chasseurs, c’est le gibier qui est différent.
Planifier son voyage, c’est rechercher les sites à visiter. C’est aussi vérifier leur exposition au soleil ; certains sujets devront être photographiés le matin tandis que d’autres, dans l’ombre, attendront le soleil de fin d’après-midi. Rappelez-vous que vous devrez vérifier si vous pouvez accéder aux endroits retenus pour vos photographies. Les parcs, les lieux historiques et les bâtiments ont des horaires d’ouverture restreints.
Avant de partir consultez Google Maps pour repérer l’emplacement des lieux à visiter. N’hésitez pas à imprimer une carte. Google Street View vous permettra de faire connaissance avec les lieux et de trouver les meilleurs angles de prises de vues. Enfin, une application comme The Photographer’s Ephemeris, installée sur votre téléphone mobile, vous permettra de connaître la position et l’angle du soleil à toutes heures du jour quel que soit votre position sur la planète.
Un peu de technique et quelques conseils
Comme vous le savez sans doute, les photographies se font tôt le matin et tard dans la journée afin de bénéficier des meilleures lumières. Toutefois, si vous êtes en vacances en famille ou si vous participez à un voyage organisé, vous serez obligé de prendre des photos en milieu de journée. Le soleil fort créera des contrastes élevés, ce qui n’est pas la meilleure des choses en photographie. Voici deux conseils qui vous permettront d’obtenir de meilleures images dans de telles conditions.
Utilisez le système de correction automatique de luminosité offert par les boîtiers Canon ou le D-Lighting des boîtiers Nikon. D’autres dispositifs comme le mode HDR de chez Panasonic permettent d’obtenir des résultats similaires. En procédant ainsi, vous allez augmenter significativement la gamme tonale de vos images.
Vous pouvez aussi choisir de photographier en noir et blanc ou de convertir vos images en noir et blanc une fois de retour à la maison. En effet, le noir et blanc supporte très bien les forts contrastes.
Évitez les verticales convergentes
Elles apparaissent lorsque vous vous trouvez trop près d’un bâtiment et que vous pointez votre appareil photo vers le haut pour inclure la totalité du bâtiment dans votre image. Les lignes verticales se rapprochent vers le haut de l’image, donnant l’impression que le bâtiment penche vers l’arrière.
Dans l’image ci-dessus, j’ai été attiré par le graphisme du bâtiment et le contraste entre le blanc des murs et les couleurs vives des encadrements de fenêtre. Mais les convergentes sont très marquées et le bâtiment trop « étouffé » dans l’image pour être corrigé par un logiciel tel que l’excellent DXO.
Lorsque c’est possible, il conviendra de s’éloigner du sujet afin le cadrer le bâtiment dans sa totalité ou non, en conservant le niveau de l’appareil bien droit lorsque vous déclencherez. Dans ce cas, vous devrez accepter d’inclure beaucoup de premier plan, mais votre photo sera meilleure.
Dans cette seconde image, j’ai choisi de reculer tout en ne montrant qu’une partie des bâtiments situés à l’arrière plan. L’image gagne en profondeur. Le côté graphique des bâtiments est conservé tandis que les verticales convergentes ont disparues. Le théâtre de la Joliette apporte un élément de localisation, une couleur qui contraste avec le blanc du bâtiment en arrière plan. Le piéton, arrivé alors que je reculais, apporte une petite touche de vie, bien que je l’aurais préféré dans les escaliers…
Une autre solution pour luter contre le phénomène des lignes convergentes et d’exagérer l’effet. Ce qui apparaissait comme un défaut est volontairement accentué afin de donner une image originale.
Cette photo des docks de Marseille (quartier de la Joliette) ne me plaisait pas car elle faisait trop carte postale. Alors, j’ai eu l’idée d’utiliser mon Samyang 8mm (fish eyes) afin d’obtenir la photo ci-dessous, bien plus originale.
Un dernier conseil, s’il est un accessoire incontournable pour le photographe de voyage, c’est bien le filtre polarisant. Il vous permettra d’obtenir un ciel très saturé comme celui de la photo ci-dessus et de supprimer les reflets des surfaces non métalliques (eau des fontaines, vitrines des magasins, vitres des véhicules…).
Photographiez les gens, ils sont l’âme d’un pays
Peu de sujets reflètent aussi bien l’atmosphère d’un lieu que les gens qui y vivent. Mais la photographie de portrait doit prendre en compte certaines règles. La principale, pour ce qui me concerne, est de respecter la dignité des gens.
Demander ou non la permission ?
Il n’est pas toujours nécessaire de demander la permission. Dans les trois situations ci-dessus, les personnes ne se sont même pas aperçues de ma présence. Mais si vous souhaitez qu’une personne pose pour vous, alors il conviendra d’obtenir son assentiment. Si vous ne parlez pas sa langue, mimez à la personne le fait de la photographier tout en accompagnant ce geste d’un sourire, cette technique fonctionne à merveille. Si, malgré cela, la personne manifeste son refus, n’insistez pas et respectez sa décision.
Faut-il payer pour prendre une photo ?
Dans les zones touchées par la pauvreté, il peut être tentant d’offrir une compensation financière à la personne que vous souhaitez photographier. N’en faites rien, car cette pratique créera immédiatement de la jalousie entre la personne bénéficiaire de votre geste et le reste de sa communauté. Un simple paquet de gâteau offert aux enfants fera autant plaisir et provoquera beaucoup moins de dégâts.
Inclure l’arrière plan
En règle générale, les portraits sont réalisés avec une grande ouverture afin d’isoler le sujet de son environnement. Ce n’est pas toujours ce qu’il faut faire en photo de voyage. Il est bon parfois de montrer le sujet dans son environnement, surtout lorsqu’il travaille comme c’est le cas ci-dessous.
Ici, l’arrière plan est légèrement flou pour mettre en valeur le portrait, mais reste lisible pour montrer l’atelier de cette vieille dame.
Là encore, l’arrière plan bien visible permet de placer le sujet dans son environnement professionnel. N’oubliez pas qu’en réalisant une séquence de plusieurs photos d’un même sujet, vous parviendrez plus facilement à raconter une histoire. Alors déplacez vous, recherchez des angles différents, alternez plan rapprochés et plus larges.
La créativité, c’est la clé
Démarquez-vous du cliché touristique en adoptant une démarche créative. Comment ? En adoptant, par exemple, des angles de prises du vue auxquels le touriste ne pensera pas. En sélectionnant des sujets très graphiques, comme c’est le cas de l’image ci-dessous.
Ici, un objectif de 10mm m’a permis de produire un cliché original. De temps à autre, vous pouvez oser la déformation extrême mais n’en n’abusez pas.
Levez la tête !
Dans les bâtiments historiques ou les lieux religieux il est bon de lever la tête. Pour réaliser la photo ci-dessous du plafond du grand théâtre de Prague, j’ai actionné le retardateur et posé mon appareil au sol, l’objectif grand angle dirigé vers le plafond. Cette technique offre un recul maximal et permet d’éviter le flou de bougé. Par contre, le cadrage est hasardeux et il faudra parfois s’y reprendre plusieurs fois pour obtenir le bon cliché.
Le photographe de voyage ne dort jamais…
Ranger son appareil photo lorsque la lumière du jour s’éteint est une erreur de débutant. Pour s’offrir le plaisir de la photo de nuit, il faudra dîner tôt et se rendre aux endroits préalablement repérés. Pour trouver ces endroits, une simple recherche sur Google images sera souvent suffisante. Saisissez par exemple « Photo de nuit Prague » et identifiez les endroits figurant sur les plus belles photos. Les deux photos ci-dessous ont été prises à Prague et Lisbonne.
Pour ce type de photographie, le trépied est obligatoire ainsi que l’utilisation d’une télécommande. Si vous n’en possédez pas, le retardateur fera très bien l’affaire. A vous maintenant les vitesses d’obturation longues. N’oubliez pas d’activer la réduction du bruit pour pose longue.
Choisissez un thème
Il est bien trop simple de rentrer de voyage avec une série d’images des différents sujets rencontrés. Il est plus difficile, mais aussi bien plus motivant, d’ajouter à votre voyage un thème, un sujet, une histoire qui vous permettra de réaliser une série d’images liées par un fil conducteur.
Voici deux exemples différents :
Les graffitis sont partout. Percutants et très colorés ils constituent un sujet intéressant pour le photographe de voyage. En choisissant ce thème, vous vous apercevrez que vous ne regarderez plus les rues de la même façon.
Les enfants constituent également un sujet intéressant. Vous rechercherez leur innocence, leurs jeux, leurs rires ou leurs peines, leur impertinence. Avec les enfants les émotions sont toujours présentes.
Ce long article se termine et pourtant il est loin d’être exhaustif. La photographie de voyage est un vaste sujet. J’espère simplement que les informations fournies vous permettront de ramener autre chose que des photos souvenirs. Rappelez-vous, le photographe de voyage est un artiste, un collecteur d’émotions. Alors bonne chasse !
A très bientôt
Jean-Michel
A reblogué ceci sur Sos Dépannage Plomberie.
J’aimeJ’aime