Photo de voyage : racontez des histoires !


Cet article m’a été inspiré par notre prochain voyage au Vietnam. Un voyage de plus de trois semaines où notre groupe, composé de 14 photographes de tous niveaux, va emmagasiner plusieurs milliers d’images. Alors, je me suis posé cette question : « Comment faire pour que cette moisson soit la plus qualitative possible ?« .

Les conseils mentionnés dans ce billet ne se limitent pas à la photo de voyage. Une sortie photo en ville ou en pleine nature vous permettra de mettre en oeuvre les conseils que vais vous donner.

Un travail d’introspection nécessaire

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Comment faire pour que notre moisson de photos soit la plus qualitative possible ?

J’ai cherché des réponses dans mes propres erreurs. Je me suis penché sur mes précédents voyages, en Afrique, Asie, sur le continent américain… J’ai consulté des centaines d’images, l’esprit « critique« . Ce travail introspectif, des mois, voire des années après un voyage, est très salutaire. Avec le temps, les images abandonnent leur charge émotionnelle et dévoilent leurs faiblesses. C’est pour cette raison que les professionnels du livre photo retournent plusieurs années de suite au même endroit.

En partant en vacances à l’autre bout du monde ou à 500 km de chez vous, vous ne disposerez que d’une seule chance – il est rare que l’on retourne 3 ou 4 fois au même endroit. Il faudra donc assurer lors de cette unique opportunité…

Cet article, je l’espère, devrait vous permettre de produire des images intéressantes.

Qu’est-ce qu’une image intéressante ?

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Isolée, une photo peut être intéressante parce qu’elle montre quelque chose que l’on n’est pas habitué à voir : une tenue vestimentaire colorée et originale, une pratique religieuse ou ancestrale, un comportement inhabituel sous nos latitudes, un paysage magnifique est très particulier, etc.

Lorsque vous photographiez sans but précis, vous prélevez instinctivement les scènes qui vous paraissent intéressantes, mais sans savoir pourquoi vous le faîtes. Même si vos images sont belles, leur production est désordonnée et il sera difficile de les présenter avec cohérence (expo – site Internet – Blog – etc.).

Je vais donc vous aider à mettre de l’ordre dans vos prises de vues. Comment ? En créant des séries photographiques ; des suites d’images organisées avec cohérence dans un but précis : raconter une histoire. Les séries sont de petites histoires qui permettent de témoigner d’une époque, d’un lieu, d’une culture, d’un événement, d’une pratique, etc. Mises bout à bout, les séries contribueront à raconter « l’histoire de votre voyage« . Une histoire, nourrie par vos émotions, ce qui permettra de la différencier d’un simple reportage.

Si l’écrivain raconte avec ses mots, le photographe témoigne avec ses images. On appelle cela le « storytelling« . Attention à ne pas confondre avec le reportage, la série photographique demande une implication personnelle et émotionnelle du photographe. En reportage, le photographe doit se détacher de l’action et enregistrer ce qui se passe sans prendre partie. En créant une série photographique, le photographe s’implique émotionnellement, en dévoilant ses sentiments profonds.

Comment raconter une histoire ?

À mon avis, il est totalement illusoire de vouloir raconter un voyage d’une, deux ou trois  semaines, en une seule série. Pour y parvenir, il va falloir écrire plusieurs petites histoires (les fameuses séries photographiques) qui, mises bout à bout, permettront d’écrire l’histoire de votre voyage.

À vous de choisir le thème de chaque série en fonction de ce qui vous touche le plus. Au Vietnam ce pourrait être la circulation des deux roues dans les grandes villes, la street food (cuisine dans la rue), la culture du riz, les petits boulots, les ethnies minoritaires, etc.

Pour que la série soit réussie, elle doit vous inspirez, vous émouvoir, vous faire réagir. Ainsi, vous pourrez plus facilement conter votre histoire et émouvoir à votre tour.

Si il n’y a pas d’émotion, si il n’y a pas de choc, si on ne réagit pas à la sensibilité, on ne doit pas prendre une photo, c’est la photo qui nous prend – Cartier Bresson.

 Alternez les plans et les angles de vues

Étudions la première série évoquée ci dessus : la circulation des deux roues dans les grandes villes.

L’abondance des deux roues au Vietnam occasionne des problèmes récurrents de circulation et de pollution, mais pas seulement. Les accidents ne sont pas rares, traverser une chaussée, peut être une entreprise dangereuse dans un pays où chacun applique son propre code de la route…

Nous tenons l’idée d’une série. Il faut maintenant creuser le scénario de l’histoire afin de préciser ce que l’on veut faire dire à notre histoire. Dans notre exemple, ce serait :

  1. Les problèmes de circulation liés au nombre de deux roues en circulation ;
  2. Le problème de santé publique lié à la pollution générée par les deux roues ;
  3. L’absence évidente de règles concernant le comportement routier des pilotes ;
  4. Les deux roues surchargés (transport de marchandises) ;
  5. Les deux roues surchargés (transport de personnes) ;
  6. Les risques d’accidents ;
  7. Le stationnement anarchique des deux roues qui oblige les piétons à « affronter » la route ;
  8. Les parkings bondés de motos et scooters.

En mentionnant ce plan dans un petit calepin, vous enregistrez la trame de votre série. Vous pouvez maintenant passer à l’étape suivante : les prises de vues.

Commençons par le point numéro 1 : Pour réaliser une telle série, je commencerais par photographier la circulation au grand angle, afin de montrer le nombre hallucinant de motards (estimé à plus de 3 millions à Hanoï, la capitale).

Ne pas hésiter à multiplier les photos, vous ferez le tri plus tard lorsqu’il s’agira de construire une série d’une douzaine d’images cohérentes.

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Crédit photo Philippe Body
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Crédit photo Philippe Body

Pour attirer l’attention sur le problème lié à la pollution, je photographierais ensuite les gens qui circule avec un masque de protection anti-pollution. Cette fois-ci, j’utiliserais le téléobjectif afin d’isoler mon sujet et de lui donner plus de force.

Dans une série, il est très important de faire varier les angles afin de dynamiser le récit.

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Crédit photo EPA

Pour matérialiser l’absence de règles ou un code de la route bafoué, certaines images se suffisent à elles-mêmes.

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Ce comportement routier est très accidentogène. Il arrive parfois qu’on quitte la route pour se mettre à voler…

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Avec plus de 3 millions de deux roues en circulation journalière à Hanoï, le stationnement devient également un problème. Les piétons sont obligés de quitter les trottoirs pour affronter les dangers de la route…

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Je suis certain que vous commencez à comprendre comment raconter une histoire à l’aide d’une séries d’images. N’hésitez pas à varier vos compositions, à alterner le grand angle et les vues rapprochées. Suivez votre plan à la lettre, c’est le seul moyen de construire une série cohérente.

Jouez avec les émotions

Lorsqu’il s’agira de présenter vos séries, commencez toujours par une image chargée en émotion. Alternez ensuite images fortes et narratives. Terminez toujours votre série par une image très chargée émotionnellement.

Importance de l’ambiance lumineuse

Les jours de grand beau temps, lorsque le soleil s’invite à la fête, racontez des histoires gaies, optimistes, joyeuses. Les jours de grisaille ou de pluie, travaillez les séries qui vous révoltent, les problèmes de circulation, de surpopulation, d’hygiène, etc. Servez-vous des ambiances lumineuses pour enjoliver ou pour dramatiser votre histoire.

Photographiez les détails

Les détails contribuent à crédibiliser une histoire. Ils permettent de montrer ce que l’on ne voit pas nécessairement. Une réparation sommaire qui pourrait engendrer un accident, un problème lié à l’hygiène, une personne qui pleure de désespoir devant sa maison inondée, etc. Le détail est important, il explique et permet de comprendre.

Éditing : Le choix des photos

La phase de sélection des images est très importante. Vous allez devoir sélectionner une douzaine d’images pour raconter votre histoire. Evitez d’utiliser plus de 3 photos pour la description d’un des points figurant dans votre scénario. Dans les séries, ce n’est pas la photo la plus artistique qui sera la meilleure, mais celle qui illustre le mieux ce que vous voulez dire.

Après avoir sélectionné vos photos, présentez-les dans un ordre précis et pertinent. Pour cela, aidez vous de votre petit calepin. Alternez les photos porteuses d’émotions avec les images plus narratives, les plans larges et les plans serrés, les vues générales et les photos des détails. C’est vous le metteur en scène, alors amusez-vous !


Article proposé par Jean-Michel Nollevaux, le 18 janvier 2018. 

3 réflexions sur “Photo de voyage : racontez des histoires !

  1. Article très instructif, toutefois je pense à un problème qui peut se poser en voyage (cela m’est arrivé) … les accompagnateurs non photographes….le risque étant de les perdre !!!! ou de perdre l’occasion de saisir une bonne photo, il faudra ruser et faire comprendre avec tous nos arguments aux non initiés, notre façon d’appréhender le voyage ou la visite d’un site, Cette chose sera certainement ardue.

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