Photographie : le diktat des spécialistes du marketing.


Aujourd’hui, et ce n’est pas une découverte, c’est l’argent qui dirige de monde. Ceux dont le but est de faire de l’argent, sont totalement indifférents au réchauffement climatique et à la destruction rapide de la biodiversité, pourvu qu’ils amassent plus que de besoin. L’argent est une drogue: quand on en a beaucoup, on en veut plus encore, même si en avoir encore plus ne sert à rien…

En matière de photographie, c’est un peu la même chose. On ne cherche pas à vous permettre d’acquérir le produit qui vous conviendrait parfaitement, mais plutôt à rendre incontournable un produit plus cher, dont vous n’avez absolument pas besoin, histoire de vous soutirer un peu plus d’argent…

Les experts en marketing

Quel que soit leur secteur d’activité, les experts en marketing fonctionnent tous de la même manière. On leur confie la vente d’un produit, souvent même avant qu’il n’existe concrètement, et ils doivent s’évertuer à le faire connaître, le rendre désirable, voire indispensable. Si tout se passe bien, le produit deviendra mythique, et nos experts en marketing seront grassement remerciés… Vos besoins ? Ils n’en n’ont cure. Ils sont si efficaces qu’ils vont créer une mode ou un désir irrepressible, puis ils trouveront moyen de vous faire basculer dans la spirale de la consommation. Pire, vous serez même heureux et fier d’avoir fait l’acquisition, car ce produit que vous aurez acheté sera tendance et envié par ceux qui ne peuvent se l’offrir. En deux mots, le produit sera devenu un « must have ».

Je vais prendre un exemple : l’iPhone. Les experts en marketing de chez Apple peuvent être fiers de leur réussite. En quelques années, il sont arrivés à transformer un bon téléphone en un objet très « branché ». Ne pas posséder ce téléphone est presque ringard, tant l’objet est devenu mythique. Rappelons-nous ces files d’attente de 100 mètres et plus, dans la rue, sous la pluie et dans le froid, pour faire partie des premiers à posséder le dernier né de la marque. Là, nous n’avons plus à faire à des consommateurs lambda, mais à des groupies gavées au marketing, pour certaines totalement hystériques, prêtes à braver les éléments, pour faire partie des premiers « happy few » à exhiber le Saint Graal. Pourtant, si l’on relativise un tant soit peu, l’iPhone n’est rien d’autre qu’un bon téléphone…

Pour finir avec cette parenthèse sauce iPone, j’ai revendu le mien lorsque je me suis aperçu que la marque était fortement suspectée d’utiliser l’obsolescence programmée afin de m’obliger à acquérir un téléphone plus récent, dont je n’avais pas besoin. Une simple mise à jour avait drastiquement réduit la durée d’utilisation de la batterie de mon iPhone… J’aurais pu changer de modèle, j’ai préféré changer de marque ! Je vous l’ai dit en préambule, nous ne sommes pas considérés comme des clients, mais comme comme des porte-monnaie montés sur pattes… Soyez rassurés, mon égo s’est fort bien acclimaté de ce manque d’iPhone. Si, si, je le confirme: on peut vivre très correctement et en bonne santé sans iPhone. OUF !

Note : ne prenez surtout pas ce paragraphe pour une croisade contre ce téléphone ou contre la marque qui le fabrique: comme beaucoup de photographes professionnels, pour le post-traitement de mes images, j’utilise un Imac. J’ai simplement voulu fournir un exemple concret et avéré de ce dont le marketing est capable.

Les experts en marketing : discours sur la méthode

Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser que cet article m’a été inspiré par une vidéo postée par un photographe sur Youtube (Dimitri Lazardeux). Il s’agit d’une vidéo très intéressante qui va vous parler de bokeh (flou d’arrière plan).

Je vous laisse la regarder en entier, avant d’analyser les méthodes employées par les gens du marketing, pour vous faire acheter du matériel photo dont vous n’avez sans doute pas besoin.

Une vidéo de Dimitri Lazardeux

L’arrivée des réseaux sociaux a bouleversé la manière de faire du marketing. Il y a quelques années, un nouveau matériel était envoyé aux magazines spécialisés afin qu’ils le testent et donnent leur avis. Si, aujourd’hui c’est toujours le cas, les magazines ne sont plus la priorité des marques. Les réseaux sociaux sont bien plus efficaces; les vidéos auront été vues des milliers de fois avant même que le nouveau numéro du magazine ne soit mis en vente… La rapidité de transmission de l’information est incomparable. Aujourd’hui, elle est primordiale. De plus, les réseaux sociaux permettent des échanges communautaires entre passionnés, ce qu’un magazine ne pourra jamais faire, ou si peu.

Les marques se sont entourées de photographes « référents ». On les appelle les ambassadeurs de la marque. Même s’ils se permettent parfois quelques critiques, ces ambassadeurs ne tireront jamais sur le cocher, au risque de perdre leur qualité d’ambassadeur, qui, dans le même temps, leur permet d’augmenter leur notoriété. Je considère ces ambassadeurs comme des généraux. Mais pour une guerre, il faut des soldats et là, rassurez-vous, ils n’en manquent pas. Je pense particulièrement à ceux que l’on nomme aujourd’hui « les influenceurs« . Les marques leur font parvenir du matos, qu’ils sont chargés de tester pendant quelques jours, avant de réaliser un article sur leur blog, une vidéo destinée à Youtube ou une autre plateforme. Ces soldats travaillent gratuitement, mais avouez que tester du matos qui n’est pas encore sorti est un véritable privilège. Alors, et peut être même inconsciemment, on évitera d’avoir la dent trop dure avec la marque pour ne pas perdre ses privilèges… Comme vous le voyez, l’indépendance des testeurs est très fluctuante.

Les meilleurs « influenceurs » sont invités par les marques à participer à des voyages ou ils pourront, tout à loisir, utiliser le nouveau boîtier et les objectifs qui sortiront dans quelques semaines. Deux ou trois jours après ce voyage, internet sera inondé d’articles en « avant première » ou de vidéos de « prises en main » de ces nouveautés incontournables. La pêche aux consommateurs est ouverte, les appâts sont prêts, dans quelques semaines les premiers poissons seront pris…

Savoir déjouer les pièges du marketing

Je ne vous dirai pas ici de fuir les influenceurs, car ils sont toujours utiles, ne serait-ce que pour vous informer de l’arrivée prochaine d’un nouveau produit. Je vous conseillerai simplement de les choisir avec grand soin. Certains sont de véritables photographes et disposent d’un solide bagage technique, d’autres sont des faiseurs de vidéos, capables de filmer dans leur chambre ou dans leur cuisine…et dont les recommandations sont totalement dénuées d’intérêt, et parfois même de sens.

Pour l’exemple, un photographe, pourtant professionnel, à classé dans une récente vidéo les boîtiers comme ceci : micro 4/3 « entrée de gamme » – APS/C « moyenne gamme » et plein format « haut de gamme ». Comment peut-on dire de telles âneries dans une vidéo ? S’il me lit, qu’il sache qu’il aurait aussi pu faire le classement suivant : Plein format « entrée de gamme », moyen format « moyenne gamme » chambre photographique et grand format « haut de gamme » ; ce classement, qui contredit le sien, est établi à partir d’une même idée, totalement fausse…

Pour revenir au bokeh, dont parlait un peu plus haut Dimitri Lazardeux, un objectif qui ouvre à f/1.2 est-il meilleur qu’un objectif à f/1.8 ? Si l’on parle de bokeh et rien que de cela, la réponse est OUI. Par contre, l’utilisation d’une optique ouvrant à f/1.2 est bien plus complexe que celle d’un objectif ouvrant à f/1.8. De plus, l’objectif est deux à trois fois plus cher…

La qualité d’une optique ne se juge pas qu’à son piqué. La simplicité d’utilisation, le besoin réel de cet objectif, le poids, le prix entrent aussi dans les critères de choix. S’attacher uniquement au bokeh n’a aucun sens. À quoi bon acquérir une optique qui ouvre à f/1.2 si c’est pour ne s’en servir qu’une fois par mois…

Photographe de mariage et de reportage, je n’utilise aucune optique ouvrant à f/1.2. Pourquoi ? Parce que j’estime que mes optiques ouvrant à f/1.4 ou f/1.8 sont suffisamment qualitatives pour répondre à l’ensemble des besoins de mes clients (mariés, agences de presse, agences immobilières, etc.).

Ce qui est important lorsque vous souhaitez acheter du matériel photo, ce n’est pas ce que les marques vous disent, mais c’est ce qu’elles ne vous disent pas.

Lorsque Canon a sorti son premier hybride plein format, les gens du marketing ont vanté les nombreuses qualités de leur boîtier, oubliant de préciser que son autonomie était deux fois inférieure à celle des boîtiers Sony, ne s’attardant pas sur le fait que le boîtier ne disposait que d’un seul emplacement pour carte mémoire, et que le parc optique dédié à la nouvelle monture était encore indigent.

Encore une fois, ce n’est pas ce que l’on vous dit qui compte, c’est ce que l’on omet de vous dire. N’oubliez pas ceci ; le meilleur matériel photo n’est pas celui que le photographe professionnel utilise car, ses besoins ne sont pas les mêmes que les vôtres. Le meilleur matériel photo, c’est celui qui répond à vos besoins présents.

À très bientôt

Jean-Michel

8 réflexions sur “Photographie : le diktat des spécialistes du marketing.

  1. Hervé

    Un article fort réjouissant! Je n ai pas d ‘I Phone, pas plus d’Imac, et je me porte bien. J ‘apprecie également les vidéos de Dimitri Lazardeux que je recommande vivement a des personnes qui débutent, sa vidéo  » passez en mode manuel » est un exemple de vulgarisation aboutie. Pour ce qui est des ambassadeurs, et sans citer de nom, ce n’est pas un nouvel apn qu’il désire mais…. deux! Donc pour conclure et comme dans beaucoup de domaines, il faut maintenant être plus vigilant non pas sur le produit mais sur celui qui distille ‘ » la bonne parole ». Pour ma part, j’ai cédé aux sirènes du x100f ( un peu, beaucoup grâce à toi Jean Michel!) J ai ainsi revendu du matériel et en viens doucement à  » mon essentiel. » Quand l’utilisation du matériel devient inné et source de plaisir!

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  2. Bonsoir.
    Je n’ai pas..de I-phone, qui coûtent, à la sortie d’usine en Chine..34-35 Euros, puis revendus, en fonction du modèle..500, 600, 700, 800, 900, voir 1100 à 1300 Euros, pour le dernier né X..
    Le Monde est fou, en fait, à cause du capitalisme et de la productivité, du toujours produire plus, pour pouvoir toujours proposer plus, et donc, au bout du compte..donner envie..d’acheter, d’acheter plus et rien d’autre.
    Il faut se rappeler, et sinon se repasser la chanson d’Alain Souchon..et qui traduit bien tout cela..

    Alain Souchon – Foule sentimentale (Clip officiel)

    alain souchon foule sentimentale
    A quoi sert, pour une femme, d’avoir x dressings remplis, avec une tenue adaptée pour chaque jour de l’année ( 365 tout de même !..), comme tenues de soirée, et pour chaque saison, et sinon, autant de paires de chaussures, de bottes, mais aussi, de sacs à main assortis ?..
    Je n’ai jamais suivi la mode, encore moins les effets de mode.
    Je m’habille avec des jeans achetés à 10-11 Euros, en grande surface, et qui, de plus, ne sont pas moches ou vilains, même si je sais parfaitement bien qu’il faut 1000 litres d’eau pour une seule chemise en coton, et..10 000 litres d’eau pour un jeans..
    La qualité d’un jeans c’est la trame du tissu, son épaisseur..or, aujourd’hui, on rogne sur les prix et donc..la qualité !
    J’ai des chaussons ou pantoufles (sans être, ni déjà..pantouflards..), de qualité et Français, la fameuse marque qui vient de fermer en Charente (pas de jeu de mots et aucune connotation en rapprochement du fait de ces..charentaises..), à savoir « Rondinaud ».. ou connu également sous « LMC ».. Il y a 145 salariés touchés de plein fouet de ce seul fait, et avec cette fermeture; localement, ce n’est pas rien.
    Mes chaussures, longtemps des Christian Pelet, et également « Méphisto », ou encore « Paraboot » (en Isère..) sont des chaussures de qualité et qui tiennent la route.
    D’ailleurs, pour les fameuses « Paraboot », on peut les ressemeler.
    Pour le sport, c’est différent, j’ai toujours eu de bonnes chaussures, dès le début, et à l’âge de 15 ans, et ce jusqu’à 50 ans et même au-delà. J’ai longtemps pratiqué, du sport et de façon assidue, que ce soit, en cross, en courses d’orientation, vélo de course sur route comme V.T.T., ski de descente et ski de fond, escalade, tout comme parachutisme et plongée.
    Je n’ai jamais eu de chaussures de sport, pour le cross (que ce soit ADIDAS ou encore Nike..) à plus de 50 Euros. Mais, cependant, j’ai été durant longtemps dans les trois premiers en cross sur 1000, 1200, 1300 et même 1500 au départ, et encore dans les trois premiers en vétérans, jusqu’à 50 ans et fin 2003 lorsque j’étais en poste en informatique à Strasbourg; et sinon, dans les 10 premiers en course d’orientation..
    En appareil photo..argentique(avec pellicules photos ou « diapositives », car j’ai également fait beaucoup de diapositives..), j’avais et j’ai toujours mon bon vieux Nikon FE2 (boîtier noir) et avec des objectifs « Nikkor » et « Nikon » plus que convenables tout comme télé-objectif, et avec lequel j’ai fait et tiré de superbes photos, entre autre, lorsque j’étais à Berlin entre 1985 et 1990, et également au moment de la chute du mur, avec cette fameuse ouverture inédite tout contre la porte de Brandenburg, un soir, et où j’avais, moi-même également traversé en montant sur le mur pour passer sous cette même porte et puis descendre tranquillement la fameuse avenue et grande rue « Unter den Linden », pour aller ensuite, en contrebas jusqu’à la « Alexanderplatz », c’est peu dire.
    J’ai un tout petit APN ou Appareil Photo Numérique (Nikon..) et qui fait de très bonnes photos. Mon nouveau et récent smartphone (celui d’avant avait 6 ans, mais pas dépassé pour autant, car il s’agissait du modèle Ace III, et qui avait servi de base pour faire le Galaxy S4..) marque « Huawei » (Certes..Chinois..) modèle P9 Lite double sim (nano sim plus carte flash en extension type SD Card..) fait de très bonnes photos également. Je ne prend aucune Appli en téléchargement et virusage comme espions en interne, et je ne donne pas ma position « G.P.S. » pour mon phone non plus, un peu comme pour mon ordinateur et l’adresse « I.P. », car ce sont tous des..mouchards embarqués..
    Haro sur le Marketing et toute ses dérives !!!
    Voilà ce que je tenais à vous dire, sans vous critiquer, loin de là, et à ce sujet..
    Bonne fin de soirée à vous, respectueusement..Denis.

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  3. Tout à fait d’accord! Un bon apn aujourd’hui sera bon demain. Je m’éclate toujours avec mon Xpro1 alors qu’on est au Xpro3. Pour moi, ne jamais plier face aux marketeux et aux « ambassadors ». Prendre leurs arguments pour de simples informations. Mais, après tout, c’est à chacun de faire son choix.

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  4. hermand christophe

    Oui, cela m’a toujours amusé de lire à quel point le matériel (photographique ou autre) pouvait devenir dénigré alors qu’il avait fait « la une de la une » 4 ou 5 ans plus tôt.
    Logique commerciale qui montre d’ailleurs certaines limites aujourd’hui …
    Aux consommateurs que nous sommes, il revient de réfléchir pour acheter en connaissance de cause sans confondre besoin avec envie. Et si l’envie devient le déclencheur, alors l’assumer !

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