Combien de fois n’ai-je pas souri en lisant, ici ou là sur Internet, cette phrase pompeuse : « Moi je ne photographie qu’en lumière naturelle« , phrase très souvent reprise par les photographes de mariage, pourtant professionnels… Pour ces photographes, l’ajout de lumière artificielle provoque une dégradation irréversible de l’image ou plutôt de ses capacités à demeurer naturelle.
Ne vous y trompez pas, ce « Moi je ne photographie qu’en lumière naturelle« , le côté « j’me la pète » mis à part, constitue un véritable aveu. Ces photographes ne connaissent rien du fonctionnement et de l’utilisation d’un flash électronique. Au lieu d’essayer de le comprendre et de le maîtriser, ils préfèrent le critiquer et le bannir… C’est plus simple, plus rapide mais certainement pas professionnel… Pauvres photographes… Vous me rappelez ceux qui, hier encore, affirmaient haut et fort que la photographie argentique ne serait jamais supplantée par le numérique. Des gens bien tristes aujourd’hui… Ou encore ceux qui aujourd’hui ne voient pas la montée inéluctable des hybrides et le déclin annoncé des appareils reflex… Ceux la seront les tristes de demain… L’évolution est permanente et il faut s’en accommoder !
Rappel des fondamentaux
Qu’elle soit utilisée en tant que substitut ou complément de la lumière ambiante, la lumière émise par le flash doit se conformer aux mêmes lois physiques que la lumière naturelle. Cela ne l’empêche pas de posséder ses propres caractéristiques. Voyons cela ensemble :
La lumière du jour et le flash électronique émettent de la lumière blanche. Deux raisons font que les objets nous paraissent colorés : la réfraction de la lumière, telle que constatée au travers d’un prisme ou lors d’un arc-en-ciel, et le filtrage de certaines longueurs d’onde de la lumière par les objets qui nous entourent. Pour essayer d’être un peu plus clair, disons que certaines matières absorbent certaines longueurs d’onde tandis que d’autres les renvoient comme un miroir. Comparez les longueurs d’onde à de la couleur : si l’objet qui reçoit la lumière absorbe le rouge et renvoi une quantité égale de jaune et de bleu, l’objet paraîtra vert (mélange des deux couleurs). S’il absorbe le rouge et le bleu et renvoie le jaune, il paraîtra jaune. S’il renvoie un peu de rouge et beaucoup de jaune, il paraîtra orange. Vous commencez à comprendre !
Lorsque nous regardons un objet, sous des lumières différentes, notre cerveau fait les compensations nécessaires. Un bâtiment blanc, au coucher du soleil, baigné d’une lumière rougeoyante, sera toujours perçu comme étant blanc. Un appareil photo ne bénéficie pas de cette faculté d’adaptation chromatique offerte par nos yeux et notre cerveau. C’est pourquoi, il est indispensable de corriger les couleurs grâce à « la balance des blancs ». Mais nous verrons que la dérive chromatique peut parfois servir les intérêts du photographe en lui offrant une ambiance particulièrement intéressante.
En photographie, on définit la couleur de la lumière par sa température en degrés kelvin. À 2000 degrés kelvin (2000 K) la lumière s’apparente à celle d’une bougie, à 3200 K à celle d’une ampoule au tungstène et à 5500 K à la lumière du jour « moyenne ».
Mais la lumière du jour n’est pas toujours disponible, c’est alors que l’on a recours à l’éclairage artificiel. C’est ce que vous faites à la nuit tombante lorsque vous allumez la lumière de votre cuisine ou de votre salle de séjour. Le problème avec l’éclairage artificiel (bougies, ampoules tungstènes, tubes néon, lampes halogènes) résulte dans le fait que ce genre d’éclairage ne restitue pas la totalité du spectre de la lumière, ce qui provoque des dominantes de couleur toujours difficile à corriger. Le flash s’affranchit de ces contraintes en raison de sa puissance et de sa température couleur, très proche de lumière du jour « moyenne ».
Le partage des tâches entre flash et lumière du jour
Une photographie prise au flash est toujours le résultat d’une double exposition : une partie de la lumière est fournie par la lumière ambiante tandis que l’autre provient du flash. Il est important d’avoir conscience de cette notion de double exposition, mais aussi de la nécessité de synchroniser l’éclair du flash avec l’obturateur de l’appareil.
Le photographe dispose de la possibilité de n’utiliser que la lumière ambiante. Pour cela, il convient d’éteindre le flash. Il peut également choisir de n’utiliser que la lumière du flash en supprimant totalement la lumière ambiante. Mais, pour réaliser une photo créative, le photographe devra conjuguer lumière ambiante et lumière du flash. En modifiant le dosage de chaque source de lumière (flash et lumière ambiante) le photographe dispose d’innombrables possibilités pour influencer le rendu final.
Qu’est-ce que la lumière ambiante ?
C’est la lumière qui baigne la scène à photographier avant que le flash n’entre en action.
Voici un portrait pris sur un mariage, il y a quelques jours. La jeune femme se trouve à contrejour. La lumière ambiante est composée par la lumière naturelle provenant d’une baie vitrée et la lumière émise par l’ampoule de la lampe figurant derrière le modèle. Comme vous pouvez le constater, la température couleur du petit lampadaire avoisine les 3000 K ce qui produit une lumière jaune orangée du plus bel effet.
Pour bénéficier de cette lumière d’ambiance assez chaude, j’ai demandé à la jeune femme de se placer le plus près possible du lampadaire. Ainsi, nous avons réduit l’importance de la lumière naturelle provenant de la baie vitrée. Lors du post-traitement, je me suis abstenu de corriger la balance des blancs (réglée sur auto), afin de conserver l’ambiance chaude de la scène.
Ce que vous devez savoir, c’est que le flash émet suffisamment de lumière pour déboucher les ombres sur le sujet et l’éclairer correctement. Mais la durée de l’éclair du flash se compte en millièmes de seconde, le reste du temps de pose étant consacré à l’enregistrement de la lumière ambiante. En conséquence, plus le temps de pose sera rapide et plus vous réduirez la quantité de lumière ambiante dans votre image. Si vous augmentez le temps de pose vous ajouterez de la lumière ambiante à votre image.
Comment obtenir une exposition parfaite ?
Pour moi, une exposition parfaite est obtenue lorsque l’image restitue exactement ce que je souhaite obtenir. Le bon dosage de la lumière du flash est important. Pour cela, je fais confiance au mode TTL qui donne généralement d’excellents résultats. Toutefois, si le flash est trop présent dans l’image, je diminue sa puissance. Une image au flash bien exposée, c’est une image où l’utilisation du flash est quasi indécelable.
S’il n’y avait cette petite étincelle dans la pupille, l’utilisation du flash serait presque impossible à déceler. Par contre, sans le flash, le visage de cette jeune fille aurait été très sombre.
Voici quelques explications complémentaires sur ma méthode de travail :
- J’ai tout d’abord pris en photo le lampadaire en ne cadrant que la partie basse de l’abat-jour et une petite partie du meuble sur lequel il était posé. Ce faisant, je me trouvais approximativement à la même distance que celle qui me séparait d’un modèle assis devant moi. Sachant que j’allais me trouver très proche du modèle, j’ai choisi de fermer l’ouverture du diaphragme à f/11 pour conserver un maximum de détails dans la chevelure. Je vous rappelle qu’il s’agit d’un mariage et que la coiffure des témoins revêt une certaine importance. Sur la photo test la vitesse était plus rapide 1/125s et les ISO plus bas (3200 ISO).
- J’ai ensuite demandé à un l’une des témoins de s’assoir sur une chaise en s’approchant au maximum du petit lampadaire. Je me trouvais très proche de la source d’éclairage artificiel, réduisant ainsi l’importance de la lumière naturelle provenant de la baie vitrée à gauche de la jeune fille. On remarque toutefois que la joue gauche de Fanny bénéficie de la lumière naturelle et d’un éclairage doux, ce qui permet de créer un modelé du plus bel effet.
- Le flash réglé en mode TTL, sans aucune correction, j’ai déclenché et obtenu l’image ci-dessus qui correspondait parfaitement à l’exposition recherchée. La jeune fille occultant une partie de la lumière provenant du lampadaire, le temps de pose est tombé à 1/60s. Je précise que c’est la vitesse minimum indiqué dans le réglage des ISO auto. Pour compenser le manque de lumière le boîtier est monté à 6400 ISO.
- Pour obtenir la même exposition sur toute ma série de photos, j’ai réglé mon boîtier en mode manuel et reporté les réglages suivants : ouverture f/11 – Vitesse 1/60s – ISO 6400 et conservé la focale à 70mm. Toute la série d’images a été réalisée avec ces réglages.
Comment modeler la lumière ?
Les flashs sont généralement livrés avec un dôme de diffusion permettant de simuler l’utilisation d’une boite à lumière. Mais la surface diffusante de petite taille limite grandement leur utilité.

Au dôme de diffusion, je préfère de loin les diffuseurs de lumière tel que le LightSphère de GARYFONG que j’ai utilisé pendant plusieurs années et qui fonctionne parfaitement bien.
Aujourd’hui je lui préfère le MAGMOD MagSphère, bien plus simple à installer et permettant de ne perdre qu’un stop de lumière au lieu de deux pour le GaryFong. La vidéo ci-dessous vous montre tout le potentiel du MagSphère.
La nécessité d’utiliser un bon flash
Pour obtenir de bons résultats avec un flash, vous devez utiliser un matériel de qualité. Sachez que les flashs d’aujourd’hui se situent à des années lumière des modèles anciens (pardon, celle-là je n’ai pas pu m’empêcher de la faire…), tant en termes de performances que de confort d’utilisation.
Pour moi un bon flash doit disposer :
- d’une tête permettant d’envoyer la lumière du flash dans toutes les directions (rebond sur les murs ou le plafond) ;
- d’un mode TTL permettant de régler automatiquement la puissance du flash. Vérifiez que le mode TTL fonctionne toujours même si le flash n’est pas utilisé sur le boîtier mais piloté par radio ou infrarouge ;
- d’un illuminateur AF performant afin d’éclairer le sujet à l’aide d’une diode ou de plusieurs lampes led, afin de permettre à l’autofocus de fonctionner en basse lumière ;
- de la possibilité d’être piloté à distance par infrarouge et par radio. Attention l’infrarouge ne fonctionne pas très bien par forte luminosité, le pilotage par radio fonctionnera dans tous les cas, même si le flash n’est pas visible par le transmetteur radio ;
- de la possibilité de fonctionner correctement avec une focale de 24 à 200mm ;
- posséder un nombre guide compris entre 50 et 60 pour offrir suffisamment de puissance.
Mon flash dispose de tous ces raffinements auxquels s’ajoute un éclairage vidéo d’appoint permettant de filmer en basse lumière. Il s’agit du Sony HLV-F60RM. Une véritable merveille, à 700 euros tout de même… Mais un usage professionnel impose du matériel professionnel.

Un bon flash est un flash qui sait se faire oublier. Le bon dosage de la lumière donnera l’impression que vous n’avez pas utilisé de flash, mais vous ne raterez plus jamais vos photos en contrejour.
En conclusion
Si vous ne deviez retenir qu’une seule chose de cet article, ce serait ceci : le flash éclaire le sujet et lui seul. Le temps de pose permet de régler la quantité de lumière ambiante invitée dans votre photo. Le bon dosage de la lumière ambiante permettra d’obtenir des photos très créatives. Quand aux adeptes du « Moi je ne photographie qu’en lumière naturelle« , laissez ces messieurs « j’me la pète » à leur ignorance, après tout… s’ils sont heureux ainsi…
Le flash est un instrument de créativité ! Alors, bonnes photos… au flash !
Jean-Michel